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Avez-vous dans le cœur une maison ? Une demeure ancienne ou un pavillon moderne, un chalet en montagne ou une cabane au fond du jardin, une résidence secondaire, une location de vacances, une maison de famille... En s'inspirant d'Espèces d'espaces de Georges Perec, on peut aussi raconter sa vie en évoquant les lieux que l'on a connus, où l'on a vécu, des années ou quelques jours. Des lieux chargés de bons ou de mauvais souvenirs. Et peut-être hantés par quelques fantômes bienveillants.
J'ai toujours vécu entre la Suisse et la France, des racines ancrées dans une région entre lac et montagnes, mais peu portée sur les célébrations nationales, drapeaux, flonflons et hymnes à gogo, quels qu'ils soient. Et vous ? Quels rapports entretenez-vous avec le pays dans lequel vous vivez ? Pays de naissance ou pays d'adoption ? Vous sentez-vous de quelque part ou de nulle part ?
Ma mère ne savait pas nager. Pourtant, elle avait appris... sur un banc. Vous a-t-on raconté des histoires d'eau ? En avez-vous vécu ? Des histoires d'amour, de fusion absolue, de cette sensation de glisse quand les mouvements sont coordonnés, de cette fluidité du corps et légèreté de l'esprit. Des histoires de peur, où l'eau est danger quand elle enserre, aspire, étouffe, voire tue, quand on boit la tasse ou qu'on tremble sur le bord de la piscine parce que, contrairement aux autres, on ne sait pas nager. Jetez-vous à l'eau, racontez ! (dessin MR)
Connaissez-vous l'histoire du mariage de vos grands-parents ? Pour ma part, pas du tout. En regardant cette photo, je présume qu'ils se sont mariés civilement, mais où, quand, quels étaient leurs témoins, y a-t-il eu un repas, une fête, avec qui ? Je n'aurai jamais de réponse à ces questions et aujourd'hui, je le regrette. Avant de le regretter, interrogez vos grands-parents, vos parents, demandez-leur de vous raconter des souvenirs, des moments importants. Ils vous diront souvent que leur vie n'est pas passionnante, qu'ils n'ont rien fait d'exceptionnel, que leurs anecdotes n'intéressent personne. Pourtant aucune vie n'est insignifiante, toutes méritent d'être écrites. Pour garder une trace de celles et ceux qui, un jour, ne seront plus là.
Avez-vous fait de la musique quand vous étiez jeune? Peut-être que vos parents vous avaient obligé.e à prendre des cours de piano ou de violon? Ou vous aviez créé un groupe avec lequel vous répétiez dans une cave? Pour ma part, j'avais 17 ans quand j'ai décidé de me mettre à la guitare. Un projet rapidement abandonné car je n'avais aucune oreille (un « do », un « ré », un « la »? Ça sonnait tout pareil...) et je chantais comme une casserole. J'ai dû renoncer, sans regret, à une carrière de reine de la folk. Et vous? Quelle est votre histoire avec la musique ? Celle que vous avez faite ou celle des autres, des premiers concerts, des premiers festivals, parfois très boueux. Des souvenirs à raconter ?
Les femmes sont les grandes oubliées de l'Histoire, mais aussi des histoires familiales. Souvent reléguées à des rôles ménagers, de bonnes épouses et de bonnes mères – rôles qu'on leur enseignait même à l'école (voir illustration extraite d'un ouvrage d'économie domestique des années 60) – elles ont l'impression de n'avoir rien vécu d'intéressant et que leur vie ne mérite pas d'être écrite. Et pourtant... Pilier affectif de la famille, parfois seule à soutenir celle-ci selon les circonstances de l'existence, elles ont trimé dur à l'entretien de leur foyer, travaillant parfois aussi à l'usine (comme ma grand-mère) ou aidant à la ferme (comme mon arrière-grand-mère). Certaines ont milité pour leurs droits, droit de vote, droit à l'émancipation, droit de divorcer, d'avorter, d'ouvrir un compte en banque sans l'approbation d'un mari... Toutes les femmes ont une histoire à raconter, faite de joies et de pleurs, de batailles gagnées ou perdues... Et si vous demandiez à vos mères, vos grands-mères, vos tantes de vous raconter leur vie ? Et si ces vies-là méritaient elles aussi d'être écrites et transmises aux générations futures ?